LE TOP 2022 DE L’ACD EST ENFIN LÀ

L’année cinématographique 2020 a malheureusement été écourtée, mais certains films ont tout de même réussi à conquérir le cœur des membres de l’ACD, et c’est avec plaisir que nous vous les partageons aujourd’hui ! Vous avez peut-être eu l’occasion d’en voir certains au cinéma, mais la plupart sont déjà disponibles sur les plateformes de streaming et en DVD (oui, cela existe encore). Découvrez ou re-découvrez-les donc dans ce top 10.

1 – Drunk, Thomas Vinterberg

2- 1917, Sam Mendes

Plongé en plein cœur de la Première Guerre Mondiale, le spectateur suit la mission héroïque et presque impossible de Schofield et Blake (joués respectivement par Georges MacKay et Dean Charles Chapman), qui doivent avertir une autre troupe française située plus en avant sur le front franco-allemand, d’un piège imminent qui causerait la mort de 1600 hommes, dont celle du frère de Blake. Les deux soldats vont alors devoir traverser le no man’s land et braver les obstacles, les ennemis et les paysages ravagés par les armes de destruction massives. Obtenant 3 oscars pour ce chef d’œuvre, Sam Mendes (réalisateur de Skyfall, de Spectre ou encore d’American Beauty pour ne citer que les plus connus) prouve une fois de plus sa capacité à produire des scènes d’actions époustouflantes, tout en gardant une dimension historique et réaliste.

Ce long-métrage se distingue des traditionnels films de guerre notamment par sa réalisation particulière : les coupures entre les plans sont si bien fondues que l’on croit voir un long plan séquence de deux heures. Le spectateur est directement plongé dans cet univers dévasté et déshumanisé : il découvre en même temps que les personnages les ruines et les pièges tendus par le camp adverse. Ce suspens très bien maîtrisé alterne des scènes contemplatives et silencieuses (où le danger est latent) et des scènes de batailles époustouflantes : on pense notamment à la course finale de Schofield qui, allant à contre courant des autres soldats, doit éviter les corps et les obus pour prévenir le capitaine et arrêter l’attaque.

Il faut également souligner l’esthétisme remarquable de ce film : la séquence d’affrontement dans le village en ruine et incendié marque particulièrement notre esprit, grâce à un jeu d’ombres et de lumières projetées par les flammes. L’angoisse du feu et la chaleur des couleurs contrastent avec les tons très froids et bleutés des plans précédents, qui contribuent à cette sensation de mort omniprésente. Si le scénario est incarné avec brio par des acteurs dont le talent fait l’unanimité ( Colin Firth, Benedict Cumberbatch…) il faut également rendre hommage aux excellents acteurs principaux, George MacKay et Dean-Charles Chapman bien moins connus du public. En clair,si vous n’avez toujours pas vu ce film, foncez : vous ne serez pas déçus.

Elia Curcic

3- La Communion, Jan Komasa

Belle surprise venue tout droit de Pologne, La Communion est un film qui ne laissera personne indifférent. Il raconte l’histoire de Daniel, un jeune voyou placé en centre de détention, condamné à travailler dans une scierie. Il rêve de devenir prêtre mais son passé de criminel l’en empêche (les voies du seigneur sont impénétrables y compris pour les meurtriers). Mais un jour, Daniel ne va pas travailler, il s’évade et trouve refuge dans un village voisin. Grâce à un habile jeu de dupes et un heureux concours de circonstances, il en devient le prêtre. Son jeune âge et son charisme font rapidement de lui un prêtre apprécié et une personnalité influente, incontournable au sein de la collectivité. Mais il se retrouve très vite confronté à la tragédie qui hante le village depuis des années.

Dans ce film inspiré de faits réels, le réalisateur Jan Komasa aborde le thème de la religion de manière surprenante. Le pardon et la rédemption se mêlent à la perversion et à l’hypocrisie des personnages. Le personnage Daniel est l’illustration de cette ambivalence permanente. Malgré l’extrême violence et les mensonges dont il est coupable, il fait preuve d’une réelle sincérité et cherche à être le meilleur prêtre possible. L’acteur qui interprète ce rôle, Bartosz Bielenia est remarquable. Il se distingue par son visage, aux traits fins, très expressif et son regard qui transperce le spectateur.

La Communion est une œuvre glaçante. Elle est filmée de manière minimaliste, brute, avec des lumières froides et une bande originale discrète. L’accent est mis sur les personnages, leurs visages et leurs expressions. L’atmosphère étouffante nous prend à la gorge dès le début du film et ne lâche prise qu’après une ultime scène, climax de la violence de Daniel.

Romain Coudert

4- Tenet, Christopher Nolan

Un blockbuster avec des méchants qui remontent le temps, des gentils qui cherchent à sauver le monde et une femme en détresse qu’il faut à tout prix secourir. On commence dans un opéra, on se balade dans une éolienne, on détruit un aéroport, on escalade un building bourré de gardes, on se perd sur un yacht et on finit dans le désert, sans trop comprendre pourquoi.

Mais attention, Tenet, c’est bien plus que ça, c’est un film extrêmement complexe qui mêle théorie quantique et énigme millénaire, c’est une réalisation grandiose qui assume sa folie spectaculaire, c’est un film qui révolutionne le concept du temps. Les plus curieux pourront le voir et le revoir des dizaines de fois pour comprendre le moindre détail, les moins patients s’accommoderont d’une explication bienvenue ou d’une recherche Google.

Plus sérieusement, Tenet est un film pris entre deux mondes. D’un côté, le grand spectacle, le blockbuster, la machine épique d’un Christopher Nolan qui se régale. De l’autre, la réflexion, la subtilité, l’impressionnante complexité d’un film qui n’en demandait pas tant. Cette balade entre le show hollywoodien et la science expérimentale, on la connaît déjà grâce aux époustouflants Inception et Interstellar, pour ne citer qu’eux. Mais avec Tenet, l’engrenage coince. On apprécie le film mais les incohérences sont trop grandes, la magie n’opère plus.

Que reste-il alors de cet hybride imparfait ? Un bon divertissement, voire un excellent divertissement, mais pas plus. On s’amuse bien, on est impressionné par les scènes d’action, on verse sa petite larme à la fin, et le lendemain, on essaye de reconstruire le film dans sa tête parce qu’on n’a pas tout compris. On n’y arrive pas, tant pis. De toute façon, c’était amusant à regarder.

Gautier Jeanpierre

5- Jojo Rabbit, Taika Waititi

Allemagne nazie, quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Si je vous dis ça vous penserez à un documentaire ou à un énième film sur la seconde guerre mondiale. Eh bien oui c’en est un, mais celui-ci réinvente complètement le genre du film de guerre. Jojo Rabbit est un récit initiatique centré sur le personnage de Johannes Betzler alias « Jojo » , âgé de 10 ans, nazi convaincu et membre des jeunesses hitlériennes. Mais brimé par ses camarades et amoureux de sa nation, il se réfugie en s’imaginant un ami imaginaire pour le moins original, Adolf Hitler.

Les codes du film de guerre sont ici bouleversés, Taika Waititi apporte de l’humour à son film, notamment avec la relation entre Jojo et son ami Hitler mais aussi avec son ami (réel) Yorki. Même la Gestapo avec ses longs manteaux noirs ou le capitaine nazi K apportent une touche d’humour d’autant plus surprenante qu’ils incarnent l’horreur nazie. Le film est aussi marqué par ses couleurs vives qui adoucissent le propos et rendent presque joyeuse l’Allemagne de 1945. Néanmoins, c’est dans la nuance que ce film a su se frayer une place dans ce top. Sa représentation joyeuse et presque sympathique d’une époque aussi meurtrière est contrebalancé par la vérité de la Seconde Guerre mondiale. L’antisémitisme tout comme les contrôles de la gestapo sont omniprésents et nous rappellent à l’ordre au même titre que les combats et les bombardements qui rythment la vie des personnages tout au long de l’histoire.

Pour finir, les personnages et les acteurs qui les incarnent, apportent un vrai plus au film. Le Hitler joué par Taika Waititi n’est pas seulement comique, il représente aussi la pensée nazie et tout ce qu’elle implique notamment dans ses solutions souvent extrêmes et violentes. On pensera par exemple aux pendaisons sur la place publique des opposants au régime. Ensuite, Scarlett Johannson, qui joue la mère de Jojo livre une incroyable prestation ; et enfin, Jojo qui est au cœur de ce récit initiatique nous fait autant le détester pour son patriotisme aveugle que l’adorer pour son innocence purement enfantine qui le confrontera à la réalité de la guerre au fil de ses rencontres.

Nicolas Kanoui

6- Lux Æterna, Gaspard Noé

L’armature de Lux Æterna repose tout d’abord sur le duo improbable que forment Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg dans leurs propres rôles. La première souhaite réaliser un film sur trois sorcières condamnées au bûcher, et confie donc le rôle du personnage central à la seconde. Dans la mise en abîme que représente le moyen-métrage de Gaspar Noé, les deux actrices jouent avec leur image, forcent le trait. Charlotte est douce, timide, craintive ; Béatrice est brusque, rauque, rentre-dedans. Le premier dialogue entre ces protagonistes est le fruit d’une improvisation des deux actrices, et à ce titre une preuve imparable de leur talent. « T’as déjà brûlé sur un bûcher ? », lance, pince-sans-rire, Béatrice à sa collègue et amie. Celle-ci répond alors avec le plus grand des sérieux et un soupçon d’incertitude, sondant sa mémoire à la recherche d’un souvenir de brûlure vive, le visage éclairé par les flammes de la cheminée – belle ironie. C’est cet humour morbide, pour une grande partie insufflé par Béatrice Dalle, qui anime le film. Love avait pour moi cette pesanteur des réalisateurs qui s’écoutent penser ; le décalage que propose le prosaïsme de l’actrice avec la dimension intellectuelle et expérimentale de Noé n’est pas sans déplaire. La recherche cinématographique est toujours présente, mais elle ne suinte plus l’autolâtrie ; elle sonne juste.

Le moyen-métrage se construit sur une montée en puissance qui a des allures de descente aux enfers. Sans le dire, le réalisateur joue sur la polysémie du terme de saturation : sonore, psychologique, mais surtout visuelle. Tout spectateur restera marqué par la brûlure imposée à sa rétine durant les dix dernières minutes du film, alors que Charlotte Gainsbourg brûlait sur son bûcher. Epileptiques s’abstenir. Nous le savions, Gaspar Noé aime jouer avec les couleurs ; il expérimente cette fois-ci la capacité de celles-ci à infliger une souffrance au spectateur, et par là-même à éprouver celle du personnage. C’est extrêmement bien pensé ; le réalisateur ne peut espérer toucher physiquement le spectateur confortablement installé dans son siège de cinéma que par la lumière… Lux Æterna, qui cultive jusqu’au bout un curieux mélange de subtilité et de machiavélisme, demeure pour l’auditoire sonné au sortir de la salle une lumière éternelle.

Aude Laupie

7- Été 85, François Ozon

En juillet 2020, Été 85 de François Ozon a été le premier film “labellisé Cannes” à sortir sur grand écran et certainement un des plus attendus après la réouverture des salles qui n’avait eu lieu que quelques semaines plus tôt. Au beau milieu de cet été en demi-teinte, coincés entre deux confinements, les spectateurs s’étaient rendus au cinéma pour plonger dans un autre été, 35 ans plus tôt, sur les bords de mer, dans le tourbillon d’une jeunesse encore insouciante.

François Ozon a déclaré à maintes reprise qu’il avait voulu avec Été 85 réaliser le teen movie gay qu’il aurait lui-même voulu voir étant adolescent, s’inspirant d’un livre qu’il lut lui-même dans les années 80. Pour rendre compte de cette époque si particulière, il fit usage d’une caméra Super 8, de musiques alors à la mode (In Between Days de The Cure, Stars de la pub de Movie Music), prit une plaisante station balnéaire pour cadre et habilla ses acteurs des vêtements bariolés de l’époque

Été 85 est l’histoire d’amour de deux garçons au moment charnière du passage à l’âge adulte, Alex et David, qui se rencontrent au large de la Normandie, alors que David sauve héroïquement Alex du naufrage de son petit bateau. Très vite, David fait preuve d’une assurance, d’un charme et d’une familiarité qui ne manquent pas de séduire comme de troubler Alex, plus réservé, qui ne voit d’abord en David qu’un nouvel ami quelque peu particulier.

Là où Été 85 se distingue d’une romance classique, c’est notamment dans sa construction narrative : le film s’ouvre en effet sur un Alex démuni, le regard vide, qui s’apprête à nous raconter l’histoire “d’un cadavre”, qu’on comprend rapidement être celui de David ; nous suivrons alors en parallèle de leur idylle une enquête sur la mort de celui-ci. Pourtant, rien de fondamentalement sombre et inquiétant dans l’intrigue que nous sert François Ozon : le sujet de la mort est certes crucial dans son film, mais les scènes qui seront d’abord les plus marquantes seront celles des virées en mobylette, des attractions de fête foraine, des stroboscopes de boîte de nuit et des baisers volés dans l’arrière-boutique. Le film nous fait traverser une myriade de tons et d’émotions, entre le suspense, la passion fulgurante, le deuil, le doute, tout cela rehaussé d’un humour confinant parfois au cynisme, mais toujours juste, à l’image des sentiments paradoxaux que peut ressentir tout un chacun au crépuscule de l’adolescence. Si l’on peut s’étonner d’une certaine pudeur de la part d’un réalisateur souvent plus cru (des scènes d’amour toute en ombres chinoises se cachent en effet parmi les scènes coupées), on ne peut que le saluer pour avoir mis en scène cette histoire d’amour homosexuelle dont il (et tant d’autres !) a lui-même rêvé avec une telle singularité et sensibilité.

Justine Lieuve

8- Adolescentes, Sébastien Lifshitz

Adolescentes de Sébastien Lifshitz, sorti en salle en mars 2020, est un film-documentaire qui bouleverse.

À première vue, Adolescentes, c’est la belle et imprévisible amitié de deux ados qui n’ont rien en commun, mais qui pourtant grandissent ensemble. Pendant cinq ans, Sébastien Lifshitz a filmé ces deux jeunes filles dans leur province anonyme, dans l’enchaînement paisible des saisons, des passions, des transformations, des découvertes et des ambitions.

L’esthétique enveloppante du film – la musique du film, composée par Tindersticks, les gros plans léchés et le montage resserré – nous plonge dans cette période subjuguante qu’est l’adolescence.

Mais toute cette grammaire de la fiction, c’est pour mieux se heurter au réel. Effarement du réel. Portrait saillant d’une jeunesse plurielle dans les années Bataclan. Il n’y a plus d’adolescence fantasmée possible. Ce qui se donne à voir, c’est la vie qui cogne. Les drames, les échecs, les ruptures, la solitude, bousculent les trajectoires de ces deux filles. Il n’y a plus d’adolescence universelle, mais deux adolescentes marquées par leur classe sociale.

Adolescente est un film qui bouleverse. Il brouille les frontières entre les genres (documentaire ou fiction ?), il déconcerte sur la question du point de vue (comment la caméra réussit-elle à se faire oublier tout en filmant de si près l’intimité ?), enfin il émeut et il ébranle tant il met face à un (re)surgissement du réel, face à cet âge de la vie et ces événements (Charlie Hebdo, le Bataclan etc) qu’on a vécu, nous aussi.

Un film à voir (en famille c’est encore mieux).

Lucie Kasperski

9- Uncle Frank, Alan Ball

10- Deux, Filippo Meneghetti

Vous les croisez dans le hall d’entrée ; quelques fois, ils vous tiennent la porte ou vous prêtent une perceuse. Vos si gentils, ou si bruyants voisins. Dans le film Deux, réalisé par Filippo Meneghetti, cette relation a déjà passé un cap. Plus qu’une histoire de voisines se rendant des services, se saluant dans l’ascenseur : Nina (Barbara Sukowa) et Madeleine (Martine Chevallier), septuagénaires, sont amantes depuis de nombreuses années. Une passion émouvante, vécue cachée depuis ses débuts. « Mado », telle que Nina aime la surnommer, n’a rien pu révéler de cette relation – ce qui finira par provoquer l’agacement de sa compagne. Sa fille, Anne, n’a jamais su ; pas le moindre soupçon sur cette douce voisine. C’est un événement malheureux qui amènera les enfants de Madeleine à se poser des questions… De révélations en révélations, l’histoire familiale d’Anne et son frère se transforme ; pourront-ils comprendre la passion inavouée de leur mère ?

Grand représentant 2021 de la France pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, ce drame intime sait provoquer les sourires comme les larmes. Une montagne russe d’émotions vous attend. La peine, face à un amour si beau, qui puisse connaître tant d’obstacles. L’amertume, en voyant l’incompréhension des proches. La fierté, de se battre si fort pour celui ou celle que l’on aime. Chaque regard paraît une déclaration d’amour, un « Je t’aime » muet qui semble crié dans la pièce. La lumière n’est pas accessoire ; elle est révélatrice des ambiances. Tantôt tamisée, comme protectrice du reste du monde ; tantôt aveuglante, prisonnière des murs d’un hôpital. Deux actrices bouleversantes, emplies de sincérité ; sans oublier Léa Drucker (Anne), César 2019 de la meilleure actrice pour Jusqu’à la garde. La chaleur de l’intimité s’empare du spectateur, suivie par l’émotion face à un amour brut, inévitable. Mado et Nina, non pas juste deux femmes ; mais deux cœurs, qui se trouvent, s’aiment, s’aimeront quoiqu’il en coûte. Le monde, la vieillesse, la maladie n’y pourront rien. Que cela finisse mal, que cela finisse bien ; cette fin, elles l’écriront… à deux.

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